Matcha mania : entre boisson sacrée et poudre à pancakes, a-t-on perdu l’âme du thé japonais ?

mercredi 12 novembre 2025 15:00 - Adèle Peyches
Matcha mania : entre boisson sacrée et poudre à pancakes, a-t-on perdu l’âme du thé japonais ?

Pendant longtemps, le matcha, ce thé vert japonais au goût végétal et à la couleur hypnotisante, était un symbole d’équilibre et de respect. Préparé avec soin, dégusté en silence, il représentait l’art du thé dans sa version la plus pure.

Et puis… TikTok est arrivé...

Aujourd’hui, on trouve du matcha dans les cookies, les lattes à la banane, les smoothies protéinés et même les tiramisu revisités. Résultat: cette poudre autrefois sacrée vit une drôle de crise d’identité!


Le matcha, star dénaturée du moment

Comme le raconte le magasine Slate, le matcha est devenu victime de son propre succès. Au Japon, il ne représente que 6% des cultures de thé, et pourtant on en voit partout, de New York à Paris.

Problème : beaucoup de poudres vendues sous le nom “matcha” n’en sont même pas vraiment.

Entre les contrefaçons, les poudres industrielles de mauvaise qualité et les versions sucrées à outrance, le thé japonais a perdu un peu de sa noblesse. Sur les étals, on croise désormais des “matcha” bruns, gris ou même blancs (oui, blancs !), alors que la vraie poudre est d’un vert vif presque fluorescent.

Un négociant en thé interrogé par le New York Times résume la situation : « C’est le Far West du matcha ».

Le paradoxe: une pénurie… au milieu d’une overdose

Le plus ironique ?

Alors qu’on ne parle que de “matcha latte”, les producteurs japonais font face à une vraie pénurie. Les feuilles destinées à la première récolte – la plus fine, la plus précieuse – ne suffisent plus à répondre à la demande mondiale.

Mais pendant que les artisans d’Uji ou de Kyoto peinent à suivre, les cafés branchés débordent de boissons “green” à la vanille, à la pistache ou au sirop d’érable. À Paris, certaines boulangeries se sont même mises à la tarte matcha-framboise, et Starbucks a carrément sorti une gamme de matcha protéiné.

On adore son goût doux et sa couleur apaisante, mais à force de l’utiliser partout, on finit par oublier d’où il vient.

Pourquoi les puristes tirent la sonnette d’alarme

Au Japon, le matcha n’est pas une simple boisson. C’est un rituel.

La cérémonie du thé (le chado) repose sur quatre valeurs : harmonie, respect, pureté et tranquillité. Autant dire qu’un matcha frappé à la banane, ça ne colle pas trop à l’esprit de base.

Pour Motoya Koyama, héritier d’une maison de thé fondée en 1704, mélanger un grand matcha avec du sucre ou des fruits, c’est comme “utiliser un grand Bourgogne pour faire de la sangria”. Derrière la formule, un vrai message : le matcha, c’est un produit d’artisan, pas une poudre miracle à tout faire.

Et si on réapprenait à le savourer?

Bonne nouvelle : tout n’est pas perdu. Un peu partout dans le monde, des maisons de thé japonaises essaient de faire redécouvrir la version authentique du matcha.

À Brooklyn, à Paris, à Tokyo, on voit renaître des bars à matcha où l’on prépare la poudre au fouet (chasen), dans un bol, avec l’eau juste à la bonne température.

Et quand on y goûte, on comprend vite : le vrai matcha n’a pas besoin d’artifice. Il est intense, légèrement amer, presque umami. Il calme.

Comment reconnaître un bon matcha

  • Sa couleur : un vert vif, presque lumineux (s’il tire sur le kaki, c’est mauvais signe).
  • Sa texture : une poudre fine comme du talc.
  • Son goût : équilibré, sans acidité, ni excès d’amertume.
  • Et sa préparation : toujours fouetté, jamais dissous n’importe comment dans un blender.

Le bon geste : verser un peu d’eau chaude (mais pas bouillante !), fouetter doucement jusqu’à obtenir une mousse légère, puis déguster lentement.

Le mot de la fin

Le matcha a beau être partout, il n’est pas un effet de mode comme les autres.

Derrière cette poudre verte, il y a des siècles de savoir-faire, des producteurs passionnés et une philosophie du calme qu’on a un peu perdue de vue.

Alors avant de le mixer avec des glaçons ou de la protéine, prenons peut-être le temps de l’apprécier comme il est.

Parce qu’au fond, le vrai matcha n’a pas besoin d’être tendance pour être magique! 

Adèle PeychesAdèle Peyches
Responsable éditoriale qui a seulement hâte de l’hiver pour manger des raclettes!
Passionnée de gastronomie et toujours en quête de nouvelles pépites culinaires, j'ai d'abord suivi des études de droit avant de revenir à mon premier amour : le goût des bons produits et le plaisir du partage autour de la table :)

Commentaires

Notez cet article:
5/5, 1 vote