Perrier devant la justice : l’UFC-Que Choisir demande le retrait des bouteilles du marché

mercredi 24 septembre 2025 08:54 - Adèle Peyches
Perrier devant la justice : l’UFC-Que Choisir demande le retrait des bouteilles du marché

Le tribunal judiciaire de Nanterre (Hauts-de-Seine) examine ce mercredi 24 septembre une demande explosive: le retrait du marché des bouteilles Perrier. À l’origine de cette procédure en référé, l’UFC-Que Choisir, qui accuse Nestlé Waters, propriétaire de la marque, de tromperie sur la qualité et l’origine “naturelle” de son eau gazeuse emblématique.


Une procédure d’urgence après des révélations inquiétantes

Tout a commencé en janvier 2024, lorsque des enquêtes de Radio France et du Monde ont révélé l’usage de filtres interdits pour décontaminer une eau censée être naturellement pure. Puis, en mai 2025, un rapport sénatorial a confirmé la fraude persistante : l’usine Perrier de Vergèze (Gard) utilisait des procédés de microfiltration incompatibles avec la réglementation.

En juin dernier, l’association de consommateurs a déposé trois actions en justice. Elle vise non seulement Nestlé Waters et ses dirigeants pour pratiques commerciales trompeuses, mais également certains acteurs publics et lobbyistes, soupçonnés d’avoir couvert ces pratiques. Une plainte a même été portée devant la Cour de justice de la République afin que le rôle d’anciens ministres soit examiné.

Des eaux “non conformes” selon les experts

Si Nestlé affirme que l’eau Perrier reste “pure à la source”, de nombreuses expertises officielles contredisent cette version.

  • L’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire) pointait dès 2023 une contamination régulière des eaux brutes.
  • En avril 2025, des hydrogéologues mandatés par l’ARS Occitanie concluaient que tous les puits exploités à Vergèze avaient perdu leur pureté originelle.
  • Le préfet du Gard, Jérôme Bonet, a estimé que l’eau mise sur le marché était “non conforme en tant qu’eau minérale naturelle”.

Le cœur du litige: la bataille des filtres

Au centre du dossier se trouve la microfiltration : une technologie censée éliminer des bactéries. Or, la réglementation européenne interdit tout traitement de désinfection pour une eau minérale dite “naturelle”.

Nestlé reconnaît avoir remplacé ses filtres à la demande des autorités, mais continue d’affirmer qu’ils n’ont jamais servi à corriger une eau polluée. L’UFC-Que Choisir dénonce, au contraire, une fraude massive : selon son avocat Alexis Macchetto, “les consommateurs achètent aujourd’hui des bouteilles de Perrier présentées comme naturelles, alors qu’elles ne le sont plus”.

Risques sanitaires et communication forcée

Les autorités sanitaires se montrent prudentes. Dès 2022, l’Inspection générale des affaires sociales soulignait que la maîtrise du risque sanitaire n’était pas garantie. En 2023, Jérôme Salomon, alors directeur général de la Santé, recommandait déjà la suspension de certains forages.

Au printemps 2025, près de 300 000 bouteilles ont dû être détruites après la détection de bactéries pathogènes. Pour Nestlé, ces destructions prouvent l’efficacité des contrôles ; pour l’UFC, elles démontrent au contraire une ressource fragilisée.

En mai, contraint par la préfecture du Gard, Nestlé a dû lancer une campagne d’information nationale pour signaler que ses bouteilles, étiquetées “eau minérale naturelle”, pouvaient ne pas en être réellement. Mais selon l’UFC, cette communication reste insuffisante : “Avec 78 millions de bouteilles en circulation, tous les consommateurs ne sont pas informés.

Une bataille judiciaire qui ne fait que commencer

L’audience de ce mercredi ne donnera pas lieu à un jugement au fond mais à une décision rapide : ordonner ou non le retrait des bouteilles et suspendre l’appellation “eau minérale naturelle” pour Perrier.

Au-delà de l’image écornée de la marque iconique, c’est tout un modèle qui est remis en cause : celui d’une eau vendue comme naturellement pure alors que des procédés techniques, interdits par la réglementation, auraient été utilisés pour masquer sa contamination.

La décision du tribunal de Nanterre pourrait bien marquer un tournant historique dans le rapport de confiance entre les consommateurs et les grandes marques d’eau minérale.

Adèle PeychesAdèle Peyches
Responsable éditoriale qui a seulement hâte de l’hiver pour manger des raclettes!
Passionnée de gastronomie et toujours en quête de nouvelles pépites culinaires, j'ai d'abord suivi des études de droit avant de revenir à mon premier amour : le goût des bons produits et le plaisir du partage autour de la table :)

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