Polémique sur le “steak” végétal : ce que la décision européenne de mercredi pourrait changer
Faut-il encore parler de steak végétal ou de jambon végan quand aucun animal n’est passé par là? Ce mercredi, le Parlement européen doit trancher une question qui agite le monde agroalimentaire depuis plusieurs années: les produits à base de protéines végétales peuvent-ils emprunter les appellations traditionnellement réservées à la viande?
À l’origine de ce débat, une proposition de loi déposée par l’eurodéputée de droite Céline Imart, soutenue par une partie du milieu agricole. Selon elle, utiliser ces noms est trompeur. « Ce n’est pas de la saucisse et ce n’est pas du steak, tout simplement, il faut appeler un chien un chien et un chat un chat », affirme-t-elle, citée par 20 Minutes (8 octobre 2025). L’élue, également exploitante céréalière, estime qu’il y a « un côté mensonger » dans cette récupération du vocabulaire de la viande.
Ce que prévoit le texte
Si la proposition est adoptée, les produits végétaux ne pourraient plus porter les dénominations de steak, saucisse, escalope, jambon ou burger, sauf s’ils contiennent effectivement de la viande. Un changement majeur pour les marques qui misent sur la familiarité de ces termes pour séduire les consommateurs.
Mais l’issue du vote est incertaine. Certains élus, y compris dans les rangs de la droite, jugent ce texte secondaire. Le chef du Parti populaire européen, Manfred Weber, estime ainsi que « les consommateurs ne sont pas stupides » et qu’ils savent faire la différence entre un steak de bœuf et un steak de pois chiches.
Et même en cas d’adoption, la mesure devra encore être négociée avec les 27 États membres de l’Union européenne avant de devenir effective.
Le camp de la viande monte au créneau
Du côté des éleveurs, l’inquiétude est palpable. La filière française Interbev considère que les appellations végétales « brouillent les repères » et « affaiblissent la reconnaissance d’un produit brut et 100 % naturel » (Sud Ouest, 7 octobre 2025). Son président, Jean-François Guihard, réclame « une distinction nette entre deux produits fondamentalement différents ».
Pour ces acteurs, cette réglementation serait un moyen de protéger la tradition et d’éviter que des produits transformés s’approprient le prestige du vocabulaire carné.
Les défenseurs du végétal dénoncent un “faux débat”
Face à eux, les partisans des alternatives végétales dénoncent un « écran de fumée ». L’eurodéputée écologiste Anna Strolenberg accuse le « lobby de la viande » de chercher à freiner l’innovation alimentaire. Selon elle, cette interdiction ne résoudra en rien les difficultés économiques des agriculteurs : « Si vous voulez aider les éleveurs, donnez-leur de meilleurs revenus, pas des débats sur les burgers végétariens », a-t-elle lancé dans l’hémicycle.
Même son de cloche du côté des marques. Nicolas Schweitzer, PDG de La Vie, fournisseur de bacon végétal pour Burger King, assure que l’objectif n’est pas de tromper qui que ce soit : « Utiliser le mot steak est une manière simple et évidente pour le consommateur de comprendre qu’il peut le cuisiner comme un steak, avec des valeurs nutritionnelles similaires » (Sud Ouest, 7 octobre 2025). Pour lui, ces produits « cochent toutes les cases » du bien-être animal et de la transition écologique, et devraient donc être « encouragés, pas complexifiés ».
En France, un débat déjà lancé
L’Hexagone n’a pas attendu Bruxelles pour se pencher sur la question. En 2024, le gouvernement avait publié un décret visant à interdire l’usage de ces appellations pour les produits végétaux, dans un contexte de forte tension avec le monde agricole. Mais en janvier 2025, le Conseil d’État a annulé le texte, s’appuyant sur une décision de la Cour de justice de l’Union européenne, qui privilégie l’harmonisation des règles à l’échelle du continent.
Vers un nouveau vocabulaire alimentaire?
Quel que soit le résultat du vote, ce débat illustre une évolution majeure de notre rapport à l’alimentation. Entre défense du patrimoine culinaire et adaptation aux enjeux environnementaux, l’Europe cherche encore les mots justes pour désigner les aliments du futur.
Alors, demain, mangera-t-on encore des steaks végétaux… ou faudra-t-il s’habituer à parler de galettes protéinées ? Réponse dans les prochaines heures à Strasbourg...
Adèle PeychesPassionnée de gastronomie et toujours en quête de nouvelles pépites culinaires, j'ai d'abord suivi des études de droit avant de revenir à mon premier amour : le goût des bons produits et le plaisir du partage autour de la table :)
Commentaires
anonymous
Un morceau de cadavre d’un animal assassiné dans la douleur après une vie de misère est il plus naturel qu’un substitut végétal obtenu sans souffrance ? A méditer
C’est un point très important à considérer. Choisir des alternatives végétales peut être un geste respectueux et doux pour notre planète et les animaux. Chaque petit choix compte, et cuisiner avec conscience rend tout plat encore plus savoureux!